Le 9 novembre dernier, l’Unapei Ile-de-France, en partenariat avec la Chaire FEID, l’Université Paris-Nanterre et l’Unapei, a organisé et proposé un colloque dédié à la question de « la désinstitutionalisation des personnes en situation de handicap ». Avec le regard croisé de plusieurs universitaires, ce rendez-vous a permis de dégager une première définition du concept et d’expliciter les enjeux qu’une telle approche entraîne.
La « désinstitutionnalisation » est sur toutes les bouches. Le 26 avril 2023, devant la Conférence Nationale du Handicap (CNH), le Président de la République Emmanuel Macron, réaffirmait la nécessité pour le secteur médico-social de se transformer. Il disait alors « Nous devons aussi continuer de promouvoir un modèle social de handicap basé sur la désinstitutionalisation. C’est le sens des orientations du comité de l’ONU ».
Pour autant, la désinstitutionalisation n’est jamais définie clairement. Est-ce qu’il s’agit de fermer les établissements ? En oubliant au passage qu’une institution n’est pas seulement quatre murs et une porte, mais aussi et surtout des règles et des routines intégrées. Est-ce qu’il s’agit de développer des plateformes de services mettant au cœur de son fonctionnement les attentes des personnes en situation de handicap ? En oubliant encore une fois que les ESMS en développent déjà depuis plusieurs années pour répondre aux projets de vie de chacun, qu’ils s’agissent d’enfants ou d’adultes.
De tous horizons (droit, économie, sociologie, sciences de gestion, philosophie, etc.), les intervenants sont revenus sur la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées (CIDPH), ses principes fondamentaux, son interprétation nationale avec la loi 2005-102 du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits, etc. Ils sont également revenus sur la Déclaration de Salamanque (1994) qui a marqué un tournant : ce ne doit pas être aux enfants en situation de handicap de s’adapter à l’environnement éducatif, celui-ci n’est pas neutre et passif mais le résultat de ce que nous en faisons.
Le cœur du débat français peut se résumer ainsi : si la désinstitutionalisation permet de renforcer l’autodétermination et l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société, est-ce que cela signifie que la fermeture des ESMS entrainera mécaniquement, voire naturellement, une amélioration de leur qualité de vie ? Est-ce que la désinstitutionalisation est la seule manière de favoriser la transition inclusive ?
En France, la transformation de l’offre marque une rupture entre un modèle de structures médico-sociales qui seraient fermées sur leur territoire, au sein desquels l’expression individuelle ne serait pas favorisée, à un modèle tourné vers les besoins individuels et la collaboration avec les acteurs locaux. Cependant, les débats actuels ont un contrecoup : à force de parler de désinstitutionalisation, le concept s’est érigé en objectif. Cela doit devenir un moyen, au même titre que la vie en établissement. La désinstitutionalisation, seule, ne rendra pas la société plus inclusive automatiquement. Par contre, dans un moment de crise d’attractivité des métiers, ce type de débat doit devenir une occasion d’exiger de l’Etat qu’il prenne des mesures et qu’il investisse pour rendre les droits des personnes en situation de handicap effectifs, et non pas qu’il se contente d’appeler à fermer les établissements.