Désinstitutionnalisation des personnes en situation de handicap

Depuis quelques années, la “désinstitutionnalisation” est sur toutes les bouches. Déjà en septembre 2021, à la suite de l’audition de la délégation française, le Comité des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU épinglait le modèle médico-social français dans son introduction en parlant “d’une législation et des politiques publiques fondées sur le modèle médical et des approches paternalistes du handicap […] qui met l’accent sur l’incapacité des personnes handicapées et fait de l’institutionnalisation la norme”. En 2023, à l’occasion de la CNH, le Président de la République Emmanuel Macron allait en ce sens en soulignant la nécessité d’aller vers “un modèle social de handicap basé sur la désinstitutionnalisation”. Si la désinstitutionnalisation doit devenir la norme, quelle définition lui donnons-nous ? Quel fonctionnement pour quels objectifs ? 

Érigée en modèle d’inclusion sociale et de vivre-ensemble, la désinstitutionnalisation n’est pourtant jamais définie clairement. Les moyens à allouer, les implications à prévoir, les question d’acculturation et de transition, la place des professionnels, … Ne le sont pas plus. Ainsi, en partenariat avec la Chaire FIED de Paris Nanterre, l’Unapei Ile-de-France a organisé un premier colloque en novembre 2023 pour travailler collectivement et échanger autour des expertises de divers universitaires. 

De tous horizons (droit, économie, sociologie, sciences de gestion, philosophie, etc.), les intervenants sont revenus sur la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées (CIDPH), ses principes fondamentaux, son interprétation nationale avec la loi 2005-102 du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits, etc. Ils sont également revenus sur la Déclaration de Salamanque (1994) qui a marqué un tournant : ce ne doit pas être aux enfants en situation de handicap de s’adapter à l’environnement éducatif, celui-ci n’est pas neutre et passif mais le résultat de ce que nous en faisons. 

Le cœur du débat français peut se résumer ainsi : si la désinstitutionalisation permet de renforcer l’autodétermination et l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société, est-ce que cela signifie que la fermeture des ESMS entrainera mécaniquement, voire naturellement, une amélioration de leur qualité de vie ? Est-ce que la désinstitutionalisation est la seule manière de favoriser la transition inclusive ? 

En France, la transformation de l’offre marque une rupture entre un modèle de structures médico-sociales qui seraient fermées sur leur territoire, au sein desquels l’expression individuelle ne serait pas favorisée, à un modèle tourné vers les besoins individuels et la collaboration avec les acteurs locaux. Cependant, les débats actuels ont un contrecoup : à force de parler de désinstitutionalisation, le concept s’est érigé en objectif. Cela doit devenir un moyen, au même titre que la vie en établissement. La désinstitutionalisation, seule, ne rendra pas la société plus inclusive automatiquement. Par contre, dans un moment de crise d’attractivité des métiers, ce type de débat doit devenir une occasion d’exiger de l’Etat qu’il prenne des mesures et qu’il investisse pour rendre les droits des personnes en situation de handicap effectifs, et non pas qu’il se contente d’appeler à fermer les établissements.

Tout au long de la journée, plusieurs tables-rondes se sont succédées :

  • Regards croisés sur la Convention Internationale des Droits des Personnes en situation de Handicap (CIDPH) :
    • Laurène JOLY, Maître de Conférences en Droit Privé, Université de Bordeaux
    • Murielle MAUGUIN, Maître de Conférences en Droit Public, Directrice de l’INSEI (Institut National Supérieur de formation et de recherche pour l’Education Inclusive, ex INSHEA)
    • Iulia TARAN, juriste, consultante au sein du Cabinet Autonomii 
  • Regards croisés sur la désinstitutionalisation :
    • Loïc ANDRIEN, Docteur en Sciences de Gestion, Chercheur associé au CEREFIGE, Chargé de cours à l’IAE de Nancy 
    • Gatien BEAUMONT, expert transformation de l’offre et déploiement des nouveaux modèles dans le secteur médico-social – fondateur du cabinet Horizons conseil, Maître de conférences associé à l’IAE de Nancy
    • Yannick UNG, Ergothérapeute et Docteur en Sociologie, Directeur R&D et Chercheur associé au CERMES3 de l’Université Paris Cité 
  • Convergences et divergences dans l’interprétation du concept de désinstitutionalisation dans l’UE :
    • Irène BERTANA, Senior Policy Officer à l’European Association of Service providers for Person with Disabilities (EASPD)
    • Marcel CALVEZ, Professeur de Sociologie à l’Université de Rennes 2
    • Cristina POPESCU, enseignante chercheuse à l’Université de Bielefeld en Allemagne 
  • Les enjeux de la désinstitutionalisation en France :
    • Ismaël AMERI, Doctorant en CIFRE à l’Unapei sur la prospective stratégique participative
    • Hugo DUPONT, Maître de Conférences en Sociologie à l’Université de Poitiers 

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